Culture

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Le milieu s'inquiète

Comment se porte la culture dans la région?

Vincent Pagé
Le 24 avril 2025 — Modifié à 08 h 00 min le 24 avril 2025
Par Vincent Pagé - Journaliste

Diminution des subventions gouvernementales, baisse de l’achalandage et pertes financières pour les lieux de diffusion, le milieu culturel vit une après-pandémie difficile à travers la province. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les artistes et les diffuseurs s’inquiètent de cette tendance.

Au cours des dernières semaines, la présidente de l’Union des artistes, la comédienne Tania Kontoyanni, sonnait l’alarme sur « l’effritement du milieu culturel ». Parmi les causes, elle pointe l’augmentation des coûts de production, le changement des habitudes de consommation et des subventions qui ne suivent pas l’augmentation du coût de la vie.

« Les difficultés qui ont été soulevées, nous les vivons à la même échelle en région qu’à Montréal. Cependant, si on coupe dans la culture en général, est-ce que les régions seront plus impactées que les grands centres? C’est possible, puisque nous sommes déjà plus fragiles », lance Michelle Tremblay, présidente de Culture Saguenay-Lac-Saint-Jean et directrice générale du Musée Louis-Hémon.

Cette fragilité s’explique selon elle par des réalités propres à la région, telles que l’éloignement, qui exacerbent les défis auxquels fait face le milieu.

« On le remarque, notamment dans les musées, que les gens ont moins tendance à se déplacer. C’est comme si nous n’avions jamais retrouvé l’achalandage de l’avant-pandémie. C’est une inquiétude et des questionnements qui sont constants pour les artistes et les organismes qui se demandent s’ils vont être capables de continuer à offrir ça aux gens », poursuit-elle.

Lors de la dernière mise à jour des données statistiques de la région en culture, qui date de 2021, on recensait 2 525 travailleurs culturels et 169 entreprises et organismes culturels sur le territoire. Toujours selon ces données, le produit intérieur brut (PIB) du milieu culturel représente 258,9 M$, soit 2,2% du PIB total de la région.

Retombées réelles

Le débat autour du financement accordé à la culture au Québec a refait surface dans la dernière année, notamment grâce au Front commun pour les arts, une coalition d’organismes culturels qui revendique, entre autres, davantage de financement.

« C’est important de rappeler que le milieu culturel à un impact sur le produit intérieur brut (PIB) du Québec à la même hauteur que d’autres industries et parfois même plus grand que certaines dans lesquelles ont investi. Lors d’une sortie culturelle, les gens consomment et dépensent que ce soit en nourriture ou en hébergement. Les retombées sont multiples », mentionne Michelle Tremblay.

Plus récemment, ce sont les propos de Guillaume Abbatiello, copropriétaire de la chaîne de Pizza Salvatoré, qui ont remis de l’huile sur le feu. L’homme d’affaires a critiqué le financement accordé par le gouvernement pour la culture.

« À travers tout ce qui se dit dernièrement, ça donne l’impression que le milieu de la culture ne se remet jamais en question. Pourtant, s’il y a bien des gens avec le sens de l’introspection et qui souhaitent innover, ce sont les artistes. Le milieu artistique est tellement ouvert à se questionner et à faire les choses différemment », ajoute Michelle Tremblay.

L’organisme Culture Saguenay-Lac-Saint-Jean présentait en novembre dernier Veux-tu sortir avec moi, une campagne de promotion qui vise à redynamiser la fréquentation des lieux culturels en rejoignant de nouveaux publics, notamment les nouvelles générations. Une initiative qui fait écho chez les diffuseurs.

« Sans nécessairement que tout soit destiné aux jeunes, il faut former les prochaines générations à devenir des consommateurs de culture. C’est prouvé que plus les jeunes sont exposés à la culture, plus ils deviennent des citoyens qui en consomment. De couper les sorties scolaires de moitié dans notre réseau scolaire, c’est une mauvaise idée », mentionne Michelle Tremblay.

Une approche qui est secondée par Boris Dumesnil-Poulin, coordonnateur aux arts et à la culture pour l’organisme Alma Spectacles.

« Si avant la pandémie on pouvait parler du public comme une globalité, aujourd’hui on observe une diversification des publics qui ont chacun leurs habitudes et leurs moyens d’être rejoints. C’est un ajustement pour le milieu de connecter avec l’ensemble des générations. Depuis très longtemps, nous offrons des spectacles scolaires pour faire vivre la culture aux jeunes », mentionne-t-il.

Investir dans les artistes

Pour le producteur de Québec Issime, Robert Doré, la relève du milieu culturel passe avant tout par les artistes. Avec sa troupe de spectacles à grand déploiement, le producteur forme des chanteurs et des musiciens depuis près de 30 ans.

« Si tu n’investis pas dans l’humain, tu t’en vas dans le mur. La matière première de l’industrie culturelle, ce sont les artistes. Ça passe par les écoles et les programmes d’études. Oui, il faut de la relève dans le public, mais surtout chez nos artistes », affirme celui qui possède près de 40 ans d’expérience dans le métier.

L’homme derrière les spectacles Décembre et Cowboys croit que l’investissement en culture doit être pensé différemment.

« Le gouvernement met beaucoup d’argent dans le web et dans la télévision, mais n’investit peut-être pas assez dans l’humain. C’est ce que je trouve déplorable. La culture, c’est le poumon d’un pays. Si tu n’as pas de culture, tu n’existes pas », ajoute-t-il.

Faciliter l’accès

Les lieux de diffusions font face, en plus des enjeux mentionnés plus haut, à un contexte économique défavorable. Il est alors difficile d’attirer les consommateurs, dont le pouvoir d’achat est déjà restreint, dans les lieux de diffusions.

« Si on souhaite que la culture revienne dans le quotidien des gens, il faut qu’elle soit plus accessible. Il y a aussi plein de possibilités pour consommer de la culture gratuitement. Avec les musées, nous avions les dimanches gratuits qui étaient très appréciés. Il y a aussi des festivals gratuits, l’art de rue et la musique », explique Michelle Tremblay.

« Ce qu’on sent, c’est qu’il y a un besoin de se rassembler et de vivre des événements. Les gens ont besoin de quelque chose pour les inciter à voir d’autres êtres humains. C’est pour ça que les festivals ont la cote présentement », complète Boris Dumesnil-Poulin.

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